Charles VI n'avait pas tout à fait douze ans à la mort de son père Charles V.
La régence appartint d'abord à ses oncles, les frères de Charles V. C'étaient le duc d'Anjou, prince violent et avide, qui ne songeait qu'à amasser des trésors au dépens du roi et des sujets; le duc de Berry, qui ne se signala que par sa faiblesse et sa cupidité, et le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, qui était plus occupé des intérêts de ses états particuliers que du bien du royaume. Philippe le Hardi avait épousé l'héritière du comté de Flandre et de la Franche-comté, et il allait devenir un des plus puissants princes de l'Occident. Les trésors amassés par Charles V furent promptement dépensés.
Aussi le gouvernement, qui avait d'abord supprimé les impôts, fut bientôt obligé de les rétablir. Les Parisiens se soulevèrent; un grand nombre d'entre eux s'armèrent de maillets, d'ou leur vint le surnom de Maillotins; ils massacrèrent les percepteurs des taxes, ouvrirent les prisons et se livrèrent au pillage; il fallut de nouveau abolir les impôts les plus lourds.
D'autre villes furent le thêatre de pareils désodres, provoqués par la détestable administration des princes. Les Communes de Flandre étaient en guerre avec leur comte et l'avaient presque entièrement chassé de ses domaines. Le duc de Borgogne, gendre et héritier du comte, voulut le rétablir. Le roi et ses oncles marchèrent contre les Flamands.
Ceux-ci avaient pour chef Philippe Artevelde, fils de Jacques Artevelde qui avait été de son vivant le maitre de la Flandre, et que ses compatriotes avaient fini par tuer. On en vint aux mains à Rosebecque; les Flamands furent vaincus et Artevelde tué en 1382.
Charles VI et ses oncles, après avoir soumis une partie de la Flandre, revinrent à Paris, résolus à se venger des révoltes précédentes. Ils traitèrent la capitale comme une ville ennemie, ordonnèrent des exécutions et rétablirent les impôts.
D'autre villes furent traitées de même. Les Communes de Flandre ayant été vaincues, la noblesse se vengeait des Communes de France. Les oncles du roi dirigèrent encore plusieurs années le gouvernement. Ils commirent de si grandes fautes qu'ils excitèrent l'indignation des hommes les plus sages du royaume. On décida enfin Charles VI à leur ôter le pouvoir en 1388. L'administration fut alors confiée aux anciens ministres et conseillers du roi Charles V, qu'on appela par dérision les Marmoussets, parce que c'étaient des gens de naissance modeste. Le peuple accueillit avec joie ce changement. Cet heureux état des choses ne dura pas. En 1392, le connétable Clisson, un des principaux conseillers du roi, fut presque tué par des assassins que conduisait un seigneur de la cour, nommé Pierre de Craon. Celui-ci se réfugia en Bretagne; le duc de Bretagne refusa de le livrer au roi, qui marcha contre lui avec une armée. En traversant la forêt du Mans, Charles VI fut saisi d'un accès de folie furieuse. Il ne retrouva jamais toutes ses facultés; il eut encore quelques lueurs de raison, mais pendant les trente années qu'il vécu après cet accident, il fut presque toujours comme en enfance. Aussi le peuple, loin de lui attribuer les calamités de toutes sortes dont son règne fut rempli, ils eurent toujours pour lui beaucoup d'affection et de respect, et on le surnomma Charles le Bien-Aimé. Les oncles du roi reprirent le pouvoir et se vengèrent des ministres qui les avaient écartés. Le duc de Bourgogne trouva cependant un rival dans le duc d'Orléans, frère cadet du roi, prince brillant et chevaleresque, mais trop adonné aux plaisirs. Presque tous les princes et les seigneurs de France prirent parti pour le duc de Bourgogne ou le duc d'Orléans.
Le royaume fut en proie à la guerre civile. La misère devint de plus en plus grande, tandis que la cour était, malgré la maladie du roi, un séjour de fêtes et de réjouissances continuelles. Le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, mourut en 1404. Son fils, Jean sans Peur, lui succéda: c'était un homme violent, qui entra tout de suite en guerre avec le duc d'Orléans. On parvient à les réconcilier au bout de trois année; mais cette réconciliation était de la part du duc de Bourgogne une feinte odieuse: quelques jours après, il fit assassiner le duc d'Orléans en 1407. La veuve du duc d'Orléans, Valentine Visconti, fille du duc de Milan, était morte un an après son mari, désespérée de n'avoir pu le venger. Son fils ainé épousa la fille d'un puissant seigneur du sud, le comte d'Armagnac, qui devint le chef du parti d'Orléans, auquel on donna le nom de parti des Armagnacs. Toute la France fut divisée en Armagnacs et en Bourguignons. La guerre civile était presque continuelle; les ravages des gens de guerre achevaient de ruiner le pays. La paix fut plusieurs fois rétablie, mais elle durait peu: les deux parties étaient tour à tour maitre du roi fou, dont ils se servaient comme d'un instrument. Jean sans Peur, duc de bourgogne, était aimé des Parisiens, mais il s'appuyait sur les plus turbulents d'entre eux, et pricipalement sur la corporation des bouchers, qui était alors très puissante. Les bouchers et leurs partisans, qu'on appelait les Cabochiens, du nom de leur chef, l'écorcheur Caboche, répendaient la terreur par des leurs actes de violence. On appela les Armagnacs, et le duc de Bourgogne fut obligé de quitter Paris et de se retirer en Flandre en 1413. Pendant une grande partie du règne de Charles VI, la guerre contre les Anglais avait continué sans succès éclatant de part ni d'autre, et elle avait été plusieur fois interrompue par des trêves. Henri V, prince habile et entreprenant, qui monta sur le trône d'Angleterre en 1413, résolut de profiter de la situation de la France. En 1415, il débarqua en Normandie, près d'Honfleur, dont il s'empara; mais comme il avait perdu beaucoup de soldat, il se mit en marche vers Calais pour s'y retirer. Une grande armée Française se mit à sa poursuite, et l'atteignit à Azincourt le 14 octobre 1415, mais la bataille qui s'y engagea fut pour la chevalerie Française un désastre. Un si grand malheur ne réconcilia pas les Armagnacs et les Bourguignons. Les premiers étaient toujours maitre de Paris; mais les cruautés du comte d'Armagnac, devenu connétable, exaspérèrent les Parisiens, qui rappelèrent les Bourguignons. Ceux-ci firent , en arrivant, un grand massacre d'Armagnacs.
La guerre civile reprit de plus belle; le jeune dauphin Charles, future Charles VII, devint le chef du parti des Armagnacs, pendant que son père était au pouvoir du duc de Bourgogne.
Pendant ce temps-la, Henri V d'Angleterre s'emparait de Rouen après un siège héroiquement soutenu par les habitants de 1418 à 1419. Les deux partis qui divisaient la France semblèrent alors vouloir se rapprocher: le dauphin et Jean sans Peur firent la paix; mais dans une entrevue qui eut lieu au pont de Montereau, les serviteurs du dauphin assassinèrent le duc de Bourgogne en 1419. Pour venger son père, le nouveau duc de Bourgogne, Philippe, dit le Bon, d'accord avec la reine Isabelle de Bavière, femme de Charles VI, fit alliance avec Henri V d'Angleterre. Alors le pauvre roi fou Charles VI, dominé par sa femme et par son neveu Philippe le Bon, signa le traité de Troyes, qui livrait la France à l'Angleterre en 1420. Henri V épousa Catherine, fille de Charles VI et fut déclaré l'héritier du roi de France. Les Anglais furent reçu dans Paris et dans presque toutes les villes du parti de Bourgogne. Quant au Dauphin, légitime successeur de Charles VI, il était déshérité. Henri V ne survécut guerre à ses succès; après avoir pris plusieurs villes qui résistèrent courageusement, comme Melun, il mourut à Vincennes en 1422, ne laissant pour successeur qu'un enfant âgé de quelque mois, le future Henri VI. Le roi de France, Charles VI, expira peu de jours après.